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jeudi 13 novembre 2008

L'age des pays

Pour comprendre un monde "ancho y ajeno" on a parfois besoin d'une grille de lecture. Proposée par un éditorialiste argentin, la grille de l'âge des pays en vaut bien d'autres. Elle s'accompagne d'une vision un tantinet rabelaisienne qui nous distrait de nos pensées austères. Cordialement

André GARCIA


<<<Le Monde selon E.Casciari, journaliste argentin à El Pais


J'ai lu un jour que l'Argentine n'était ni meilleure ni pire que l'Espagne, mais seulement plus jeune. Cette théorie m'a plu et j'ai donc inventé un truc pour calculer l'âge des pays en me basant sur le système des chiens.
Depuis tout petits on nous a expliqué que pour savoir si un chien était jeune ou vieux, il fallait multiplier par 7 son âge biologique. Pour les pays il faut diviser par 14 leur âge historique pour connaître leur correspondance avec l'homme. Pas clair? Dans cet article , je propose quelques exemples révélateurs.

L'Argentine est née en 1816 et a donc 190 ans. Si on divise par 14, l'Argentine a « humainement » autour de 13 ans et demi, c'est à dire l'âge des dindons, de l'adolescence idiote. Elle est rebelle, n'a aucune mémoire, conteste sans réfléchir et souffre d'acné, (c'est peut-être pourquoi on l'appelle grenier du monde)
La plupart des pays d'Amérique latine ont le même âge et comme toujours dans ce cas, ils forment des bandes. La bande du Mercosur, c'est quatre adolescents formant un esemble de rock. Ils répètent dans un garage, font beaucoup de bruit et n'ont jamais publié un seul disque.
Le Venezuela qui a déjà des tétons est prête à se joindre à eux pour les choeurs. En fait, comme toutes les filles de son âge, elle veut faire l'amour, en l'occurence avec le Brésil qui a 14 ans et un gros membre viril.

Le Mexique aussi est adolescent, mais d'ascendance indigène.C'est pourquoi il rit peu et ne fume pas un inoffensif cigarillo comme le reste de ses petits amis. Il mastique du peyote (cactus à mescaline) et fréquente les Etats Unis, un arriéré mental de 17 ans qui se consacre à la destruction des enfants affamés de six ans dans les autres continents.

A l'autre extrêmité, la Chine millénaire. Si nous divisons ses 1200 ans par 14, nous obtenons une vieille dame de 85 ans, conservatrice, sentant le pipi de chat, qui vit en mangeant du riz parce qu'elle n' a pas, pour le moment, de quoi s'acheter un dentier. Elle a un fils de 8 ans, Taiwan, qui lui rend la vie impossible.

Elle est divorcée depuis longtemps de Japon, vieux grincheux qui s'est collé avec Philippines, une petite jeune pubère toujours disposée à n'importe quelle aberration contre de l'argent.

Ensuite viennent les pays qui viennent d'atteindre leur majorité et sortent avec la BMW de papa.
Par exemple, l'Australie et le Canada, exemples de pays qui ont grandi à l'ombre du papa Angleterre et maman France, avec une éducation stricte et qui, maintenant font les petits fous.L'Australie est une pubère d'un peu plus de 18 ans qui se balade les seins nus et fait l'amour avec l'Afrique du Sud, tandis que le Canada et un homo émancipé qui adopte le bébé Groenland pour former une famille alternative à la mode.

La France est une divorcée de 36 ans, plus pute que les poules, mais très respectée sur le plan professionnel. Elle a un fils d'à peine six ans, Monaco, qui s'apprête à être pute ou danseur ou les deux à la fois. Elle est la maitresse occasionnelle de l'Allemagne, camionneur riche marié avec l'Autriche qui sait qu'elle est cocue mais s'en fiche.

L'Italie est veuve depuis longtemps .Elle élève San Marin et le Vatican, deux enfants naturels comme les jumeaux des Flandres. Elle a été mariée en secondes noces qui durèrent peu avec l'Allemagne (ils ont eu l'enfant Suisse) mais desormais elle ne veut plus rien savoir des hommes. L'Italie aimerait être une belle femme comme la Belgique : avocate, indépendante , qui porte le pantalon et parle de politique à tu et à toi avec les hommes. La Belgique de son côté fantasme parfois de savoir préparer les spaghettis.

L'Espagne est la plus jolie femme d'Europe. La France pourrait lui faire de l'ombre mais elle perd sa spontanéité en se parfumant trop. Elle a souvent les seins nus et se saoule beaucoup. Generalement, elle se laisse fourrer par l'Angleterre avant de porter plainte...
L'Espagne a des enfants un peu partout (presque tous de 13 ans) qui vivent au loin. Elle les aime beaucoup mais ça l'embête quand ils viennent affamés passer une saison chez elle et se servent dans le refrigérateur.

Un autre qui a des enfants dispersés, c'est l'Angleterre qui sort en bateau la nuit, se jette sur les jeunes filles et neuf mois après apparit une île nouvelle quelque part dans le monde. Mais elle ne s'en desintéresse pas. .En général les iles vivent avec leur mère mais l'Angleterre leur donne de quoi manger.
L'Ecosse et l'Irlande , frères de l'Angleterre , habitent à l'étage du haut. Ils sont toujours ivres et ne savent même pas jouer au football. Ils sont la honte de la famille.


La Suède
et la Norvège sont deux lesbiennes d'environ 40 ans., bien de corps malgré l'âge . Elles recoltent et travaillent , parce qu'elles sont diplômées en quelque chose. Parfois elles font le trio avec la Hollande (quand elles ont besoin de porno) .D'autres fois elles rendent hystérique la Finlande, un type androgyne de 30 ans qui vit seul dans un grenier non meublé et passe sa vie à communiquer par le mobile avec la Corée...

La Corée, celle du Sud vit en dépendance de sa soeur schizoïde . Elles sont jumelles mais celle du Nord a absorbé du liquide amniotique en sortant de l'uterus et elle est restée stupide. Elle a passé son enfance à jouer avec des pistolets et maintenant elle est capable de n'importe quoi. Les Etats Unis, le petit arriéré de 17 ans, la surveille beaucoup, pas par crainte mais parce qu'il veut lui enlever ses pistolets .

Israel est un intellectuel de 62 ans qui a eu une existence de merde. Il ya plusieurs années, l'Allemagne, le camionneur, ne l' a pas vu et l'a embouti par l'avant. Depuis ce jour, Israel est devenu fou. Maintenant, au lieu de lire des livres, il reste sur sa terrasse à lancer des pierres sur Palestine, une fillette qui lave son linge dans la rivière voisine.

Iran et Irak étaient deux cousins de 16 ans qui volaient des motos et revendaient les pièces détachées, jusqu'à ce qu'un jour ils voulurent dérober une pièce sur la moto des Etats Unis et ce fut fini de leur négoce. Maintenant ils se sentent morveux.

Le monde allait bien ainsi jusqu'au jour où Russie coucha (sans se marier) avec la Perestroika et ils eurent une douzaine et demie d'enfants , tous bizarres, certains mongoliens et d'autres schizophrènes...

Il y a une semaine, suite à une bagarre avec coups de feu et morts, les habitants sérieux du monde ont découvert un pays nommé Kabardino-Balkaria. Un pays avec drapeau, president, hymne, flore faune et même des gens à l'intérieur.
Cela me fait un peu peur de voir apparaître de jeunes pays ainsi, tout d'un coup. Que nous l'apprenions par hasard et que, en plus, il faut faire semblant d'être au courant pour ne pas passer pour ignorants.
Et je me demande : pourquoi nait-il de nouveaux pays alors que les anciens ne fonctionnent même pas?

jeudi 31 juillet 2008

Politique étrangère et européenne de la France

Politique étrangère et européenne de la France: quelles priorités ?

La commission sur la politique étrangère et européenne de la France a remis son livre blanc, début juillet, au ministre des affaires étrangères et européennes.
Coprésidée par Alain Juppé et Louis Schweitzer, elle était chargée de réfléchir aux priorités de l'action extérieure de la France et à l'adaptation de son outil diplomatique.
Elle a retenu, comme fil conducteur, le thème de la mondialisation dont les effets directs ou indirects influencent de nombreux aspects de la politique internationale. Réorganisation des services de l’Etat à l’étranger, maintien de la paix, protection des droits de l’homme ou encore actions en faveur du rayonnement culturel de la France, retrouvez une sélection de rapports en lien avec ces thèmes depuis 2002.

La France et l'Europe dans le monde - Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France
2008 - 2020
JUPPE Alain, SCHWEITZER Louis
Présidence de la République ; Premier ministre ; Ministère des affaires étrangères et européennes (2008)

L'expertise internationale au coeur de la diplomatie et de la coopération du XXIe siècle - Instruments pour une stratégie française de puissance et d'influence
TENZER Nicolas
Premier ministre ; Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; Ministère des affaires étrangères et européennes ; Ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique (2008)

Rapport d'information (…) sur la gestion des carrières des hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et européennes
GOUTEYRON Alain
Sénat. Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation (2008)

Une stratégie européenne pour la mondialisation : rapport en vue de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne
COHEN-TANUGI Laurent
Centre d'analyse stratégique ; Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité ; Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi (2008)

La France et la mondialisation : rapport au Président de la République
VEDRINE Hubert
Présidence de la République (2007)

Rapport d'information déposé (…) en conclusion des travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur les services de l'Etat à l'étranger
WOERTH Eric, CHARTIER Jérôme
Assemblée nationale. Commission des finances, de l'économie générale et du plan (2006)

Réflexion et propositions sur l'organisation et le fonctionnement des services de l'Etat à l'étranger
LE BRIS Raymond-François
Premier ministre (2005)

Organiser la politique européenne et internationale de la France
LANXADE Jacques, TENZER Nicolas
Commissariat général du plan (2002)

Rapport d'information (…) sur le réseau diplomatique et le rôle des ambassadeurs
TAVERNIER Yves
Assemblée nationale. Commission des finances, de l'économie générale et du plan (2002)

mercredi 11 juin 2008

2040: la Chute de l'Europe

Jacques JESSEL: 2040: la Chute de l'Europe
Editions Ellipses


Ancien diplomate spécialisé dans les questions de défense et sécurité, J.Jessel propose une réflexion sur le monde en 2040 qui sera ce que nous l'aurons fait...ou laissé faire..

En une quarantaine de pages, il dresse un panorama actuel des grandes zones geopolitiques.

Plus personnelles, les soixante pages qui suivent esquissent les scénarios possibles,

L'auteur insiste fortement sur le risque d'effondrement de l'Europe du fait des nouveaux rapports de forces entre l'Occident, l'Islam et l'Asie.

Il évoque la perte d'identité culturelle liée à l'immigration et envisage une situation extrême dans deux chapitres aux titres frappants: « L'Europe devenue partie du Maghreb musulman? » Et « Demain, l'Amérique ira-t-elle libérer cette Europe maghrébine? »

Des scénarios assez sombres évoquent l'Europe en guerre civile sous l'oeil du monde

En contrepoint final , le dernier chapitre évoque « Un Islam qui se réforme »: c'est un vent nouveau, d'abord timide...

Un ouvrage assez éloigné de la « bien pensance » occidentale..

A situer dans la TABLE DES RELATIONS INTERNATIONALES

UNION EUROPEENNE: RELATIONS INTERNATIONALES

et PERSPECTIVES DU FUTUR


mercredi 4 juin 2008

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lundi 26 mai 2008

L'Europe et le vide de puissance

L'Europe et le vide de puissance

Essais sur le gouvernement de l'Europe au siècle des Super-États

Éditions Jean Paul Bayol – sortie mai 2008

L’Europe, déjà en manque de souveraineté juridique et politique, ne peut aujourd’hui acquérir la souveraineté économique et technologique dont elle aurait besoin pour résister aux super-États qui dominent le monde. Ceux-ci pratiquent sans complexe l’interventionnisme et la guerre économique, en attendant de s’affronter dans de véritables conflits.

À ces risques géopolitiques s’ajoutent les crises climatiques, environnementales et démographiques dont on ne mesure pas encore toute l’ampleur.

Ce livre envisage quelques voies permettant aux Européens de combler en partie leur vide de puissance. Elles supposent beaucoup de sacrifices dans le domaine matériel et des investissements considérables dans les sciences, les technologies et les industries nouvelles. Elles pourront réveiller, notamment à l’Est, les vieilles peurs du collectivisme et du dirigisme bureaucratique. Nous voudrions que le lecteur ne s’arrête pas à ces craintes. Il faut bien mesurer que la civilisation européenne ne survivra, dans un monde de trois millards d’hommes aux revenus ne dépassant pas un dollar par jour, que si elle propose à ses ressortissants d’autres perspectives que celle d’une consommation irresponsable.

Plan

Avant-propos : sortir du piège de l’atlantisme

Introduction : souveraineté et puissance

Chapitre 1. Qu’est-ce qu’une grande puissance ? p.11
Section 1. Fiche signalétique de la puissance
Section 2. Les puissances mondiales
Section 3. Les puissances de la misère et celles du crime organisé

Chapitre 2. Aujourd’hui, l’Europe n’est pas une grande puissance p. 31
Section 1. Le sentiment d’appartenance
Section 2. Les forces économiques
Section 3. L’armature étatique et administrative

Chapitre 3. Evolution du monde et grandes puissances p. 44
Section 1. Les risques systémiques
Section 2. Les risques socio-politiques
Section 3. Fin de l’hégémonie américaine et entrée en scène des puissances asiatiques

Chapitre 4. Les grandes puissances vont devoir trouver des terrains d’entente p. 67
Section 1. : La lutte contre le changement climatique et pour la protection des éco-systèmes
Section 2. La prévention des conflits
Section 3. Les grandes aventures techno-scientifiques

Chapitre 5. Le retour de l’Europe dans le concert des grandes puissances p. 94
Section 1. Les enseignements de l’histoire
Section 2. Capitalisme financier contre patriotisme économique
Section 3. Pour un néo-colbertisme européen

Chapitre 6. Des valeurs structurantes pour une grande puissance originale p. 125
Section 1. L’Europe est un système multi-agents structuré par un jeu de valeurs spécifiques
Section 2. Des valeurs « immunisantes » : droits de l’homme, égalité entre les sexes, laïcité
Section 3. Des valeurs « dynamisantes » : la république, la social-démocratie, la philosophie critique

Chapitre 7. Pistes institutionnelles p. 150
Section 1. La voie fédérale
Section 2. Les coopérations renforcées
Section 3. Le rôle de la France

Conclusion : un modèle pour le monde ?


Voir le blog de commentaires

Voir Table de l'Union européenne

dimanche 30 mars 2008

Gastronomie, politique, diplomatie

Allocution prononcée le 12 novembre 2007 par André Lewin
au Colloque de Nice sur "Gastronomie, Politique et Diplomatie"
organisé au Centre Universitaire Méditerranéen de Nice
par la Fondation Escoffier et l'Institut des Hautes Études Européennes et
Internationales de Nice

Merci tout d'abord de m'avoir invité à participer à ce colloque. Il y a bien des années que je n'étais pas revenu à Nice pour un séjour, même bref : j'y ai fait en 1959 mon stage en préfecture dans le cadre de l'Ecole nationale d'administration.
Le préfet, à l'époque Pierre-Jean Moatti, m'envoyait
accueillir les personnalités de passage; je me souviens notamment de Norodom
Sihanouk qui venait annuellement suivre à Grasse une cure de remise en forme
(en fait : d'amaigrissement), et qui me demandait ce que je voulais faire
dans la vie; comme je lui répondais : "diplomate", il me dit : "Mon ami,
vous serez vous aussi obligé de venir régulièrement à Grasse, parce que dans
la vie diplomatique, on est sans arrêt soumis au plaisir de bien manger et à
la tentation de trop manger."

Je l'ai revu dix années plus tard au Cambodge, c'était lors de la fête des eaux sur le Mékong, et il avait organisé pour les nombreux invités un superbe buffet de mets cambodgiens; je lui ai
rappelé cette conversation, il a souri et m'a dit : "Une fois de temps en
temps, il faut se laisser aller à ses envies, surtout quand la table est
alléchante; lorsque l'on reçoit au nom de son pays, il faut présenter les
meilleures spécialités préparées avec les meilleurs produits nationaux; et
lorsque l'on est l'invité, ce serait être désobligeant que de ne pas tout
goûter !"

Et avant même de commencer, je voudrais préciser que j'aime beaucoup faire la cuisine, et que j'ai mes propres spécialités, le plus souvent françaises (gigot avec gratin dauphinois; tomates, choux et poivrons farcis; velouté de courge; endives au jambon gratinées à la béchamel), parfois plus exotiques(couscous, curries du Nord de l'Inde, à ne pas confondre avec les karis plusforts du Sud, fonio, succulente graminée du Fouta Djalon dans l'Ouest del'Afrique).

Et à propos de tomates farcies, l'un de mes premiers souvenirs de cuisine française, ce fut lorsque ma mère et moi-même, âgé de quatre ans, avons en 1939, quelques jours à peine avant la déclaration de guerre rejoint depuis l'Allemagne mon père déjà réfugié à Paris; nous étions installés près de Montparnasse, rue de la Gaîté, à l'Hôtel Royal Bretagne (il existe toujours) et nous fréquentions les petits restaurants du quartier, souvent des crêperies bretonnes.
J'y ai deux ou trois commandé des tomates farcies, que je trouvais délicieuses et qui me changeaient de la cuisine germanique que je connaissais seule jusque là. Au point que mes parents m'en commandaient systématiquement à chaque repas. Jusqu'à ce que je me révolte en disant (en allemand, qui était la seule langue que je pratiquais à l'époque) : "Ich will nicht immer tomates farcies" (je ne veux pas toujours des tomates farcies).

Au-delà de la cuisine familiale et personnelle, j'ai découvert, à Paris, à New York, et au cours de mes affectations à l'étranger, beaucoup d'excellents restaurants. Je n'en mentionnerai qu'un seul, en raison de l'erreur que j'ai commise lorsque j'y fus invité pour la première fois, alors que j'étais étudiant à Paris : Taillevent. Lorsque je m'y suis rendu, je croyais que j'allais arriver dans un restaurant chinois nommé Taiwan ! C'est dire combien j'étais novice à l'époque !

Mes expériences en matière de cuisine, c'était essentiellement la table
familiale, et ma mère était une bonne cuisinière, mais, outre les privations de l'époque de la guerre, elle s'en tenait à ce qu'elle avait appris dans sa propre famille, c'est-à-dire des plats germaniques. De temps en temps, elle se lançait dans la cuisine française, et je me souviens en particulier de choux farcis qu'elle avait confectionnés avec amour à mon intention; en guise de plaisanterie, je lui ai dit : j'espère que tu as enlevé les
chenilles. Et puis, croyez le ou non, il y avait vraiment une grosse chenille verte cuite dans l'une des feuilles de chou.

Ma mère elle-même m'a raconté qu'un jour, mon père lui avait dit : enfin, aujourd'hui tu as réussi à faire la cuisine comme ma propre mère la faisait et à retrouver le goût spécifique de ses plats; confusion de ma mère : ce jour là, elle avait fait brûler ce qu'elle avait cuisiné ! Et je me souviens aussi que quelques mois après la fin de la guerre, alors que le bon pain blanc était revenu dans les
boulangeries, brusquement, on a pendant plusieurs semaines mangé du pain de
couleur jaune; tout ceci parce qu'une équipe de négociateurs venus de Paris
était allée aux Etats-Unis acheter de grosses quantités de céréales, mais
comme ils avaient appris l'anglais et non l'américain, il pensaient que
"corn" voulait dire blé, alors qu'aux USA, cela veut dire maïs.

L'un de mes collègues et amis, Albert Chambon, qui fut ambassadeur notamment
à Panama et à Ceylan, a publié, il y a bien des années, un livre intitulé :
"Mais que font donc ces diplomates entre deux cocktails ?" Il se référait évidemment, pour la dénoncer, à l'idée que certains se font des diplomates, qui passeraient leur vie un verre de champagne à la main, des petits-fours à leur portée et un cigare aux lèvres. Rappelons nous la fameuse publicité (on ne la voit plus depuis quelques années) intitulée "les réceptions de l'ambassadeur" (dans les dernières versions, il s'agissait d'ailleurs d'une ambassadrice) chez qui l'on ne croquait que des bouchées au chocolat Ferrero
Rocher, dont une impressionnante pyramide était apportée sur un plateau par
un élégant maître d'hôtel en gants blancs !

L'appellation d'ambassadeur reste prestigieuse, ainsi que le montrent le nombre et la qualité des établissements qui ont illustré ce nom, comme le restaurant de l'hôtel Crillon place de la Concorde à Paris. Il y a également un excellent gâteau
appelé "diplomate", sorte de pudding qui peut être agrémenté de fruits, de
vanille, de chocolat, de café

Prenons la classique définition de Condillac : "Un ambassadeur est un homme
envoyé dans une Cour, d'abord pour y représenter avec faste, ensuite pour y
traiter des affaires s'il en survient, enfin pour rendre compte de ce qu'il
observe

" Le président Georges Pompidou a pu railler, à l'occasion d'une
conférence de presse, "l'exercice permanent de la tasse de thé et des petits
gâteaux des diplomates d'hier." (heureusement qu'il a dit "hier", parce que
les diplomates ont quand même beaucoup évolué).

Mais il est vrai que sur la cérémonie du thé au ministère des affaires étrangères, dans son ouvrage "Confession d'un vieux diplomate" paru chez Flammarion en 1953, donc bien avant la présidence Pompidou, le comte de Saint Aulaire s'exprime longuement. Je cite simplement quelques unes de ses phrases :
"L'école du thé. Cette formation professionnelle se complétait par une institution spéciale au Quai d'Orsay: le thé de cinq heures. Elle fonctionnait à la Direction commerciale comme à la Direction politique et réunissait autour du samovar fumant tous mes collègues sans distinction de rang. Ils affirmaient ainsi la primauté,
au Quai d'Orsay, de l'homme du monde sur le bureaucrate et de la camaraderie
sur la hiérarchie. Le directeur lui-même cotisait et, lorsque les visites
lui en laissaient le loisir, consommait. On s'invitait d'une Direction à
l'autre. Entre le cadre politique ou diplomatique et le cadre commercial ou
consulaire, le thé, excellent agent de liaison, contribuait à l'unité
d'esprit, de doctrine, de ton, sinon de petits gâteaux secs. En effet, la
Direction commerciale moins riche s'en approvisionnait chez Potin, alors que
la Direction politique les prenait chez RebattetS À l'heure du thé, nous
recevions la visite des collègues de la Carrière extérieure en congé à
Paris. Ils nous apportaient l'air de toutes les parties du monde, les échos
de tous les postes, nous initiaient aux particularités de chacun d'eux.
Excellente leçon de choses, de choses qu'on n'apprend pas dans les manuels.
La théière complétait très utilement notre encrier de scribesS Au cours de
ma carrière, j'ai reçu régulièrement, par la valise diplomatique, les envois
de la maison Potin pour ma consommation familiale, et les envois de Rebattet
pour la consommation officielle, sans distinction entre les réceptions de
collègues ou d'étrangers et les réceptions de la colonie française.

Sur ce dernier point, je n'ai pas suivi l'exemple de la plupart des chefs de poste
dont les dîners et buffets comportent un numéro 1 (Rebattet et champagne des
grandes marques) pour le corps diplomatique et la société locale, et un
numéro 2 (Potin et tisane mousseuse) pour les simples Français. Ces Français
- parmi lesquels toujours des représentants de nos industries de
l'alimentation et de nos grands vins - n'étaient pas assez simples pour ne
pas s'en apercevoir. L'économie s'avéra parfois ruineuse : la carrière de
certains diplomates succomba au ressentiment de leurs compatriotes et à la
réputation de lésinerie qu'ils leur firent."

Lorsque je suis moi-même entré au Quai d'Orsay en 1961, le thé de cinq
heures se pratiquait encore; il est vrai que le rythme du travail était
sans nul doute moindre qu'aujourd'hui, ce qui permettait aux secrétaires de
faire le thé pour leurs directeurs et leurs collègues. Ce n'est plus le cas
aujourd'hui; et l'on ne dirait plus ironiquement, comme je l'ai encore à
l'époque entendu, que vers midi, les diplomates qui arrivaient tard au
bureau croisaient dans les couloirs ceux qui en partaient tôt.

L'écrivain australien Morris West explique : "Les cocktails de l'ambassade
sont un mal nécessaire du métier. Ils mettent à l'épreuve la mémoire, la
courtoisie, l'estomac et les pieds, engendrent le scandale et la jalousie
féminine. (...) Mais personne n'a découvert de meilleur cadre pour ce
curieux échange d'allusions, de sous-entendus, d'avertissements discrets, de
négociations marginales, qui constitue le langage secret de la diplomatie."

En sens inverse, François Mauriac conclut en ces termes sa préface au livre
"Quai d'Orsay 1945-1951" (Julliard, 1955) de l'ancien chef du protocole du
ministère des affaires étrangères (et de l'Élysée, les deux fonctions étant
jumelées) Jacques Dumaine : "Il y a toujours parmi les convives (d'un dîner
officiel ou diplomatique) l'un qui le soir rédige son journal.Et le malheur
est que ce qu'ils entendent au cours d'un dîner, c'est ce que nous disons
lorsque nous sommes à notre niveau le plus bas. Oui, j'ai été accablé par
des mots que Jacques Dumaine m'attribue".

À propos de "Gastronomie et diplomatie", je vous livrerai quelques
considérations générales, agrémentées d'anecdotes et des souvenirs
personnels.

D'accord, la qualité de la table de nos ambassadeurs contribue certainement à la réputation gastronomique de notre pays, qui fait partie de la culture de la France, et s'inscrit d'une certaine manière dans notre volonté de diversité culturelle. Il m'est souvent arrivé de dire, à ce propos, que j'adorais manger un McDo et boire un coca cola, mais de temps en temps seulement, mais qu'il fallait aussi apprécier régulièrement la cuisine
française (avec ses spécialités régionales), italienne, espagnole, chinoise
et indochinoise, germanique et bavaroise, maghrébine, indienne, mexicaine,
africaine, russe, hongroise, brésilienne, etc

Donc, pas d'unilatéralisme culinaire, ni de mondialisation réductrice; dans
le domaine de la politique comme dans celui de la gastronomie, pas
d'alignement sur le plus puissant, là aussi, nous sommes pour la diversité
culturelle.

Le président Nicoleas Sarkozy l'a bien compris, qui s'est fait
accompagner, lors de son récent voyage à Washington, par le président du
musée du Louvre, Henri Loyrette, et par le chef réputé Guy Savoy. Par
ailleurs, il souhaite proposer que la gastronomie française soit classée par
l'UNESCO au titre du patrimoine culturel et immatériel de l'humanité. Et
n'oublions pas qu'en 1815, Talleyrand avait amené avec lui au Congrès de
Vienne le fameux Marie-Antoine Carême, chargé de charmer les participants à
cette réunion cruciale pour la France et de les rendre plus conciliants
vis-à-vis des positions de la France. "Le Congrès danse, mais ne marche
pas", a-t-on dit à son propos, mais il mangeait et buvait aussi. Comme on le
dit parfois, le chemin de leur coeur passe (aussi) par leur estomac.

Une visite présidentielle comporte en général deux temps forts gastronomiques,
un dîner offert par le pays qui reçoit, un dîner de retour offert par le
pays qui visite; et bien entendu, les chefs rivalisent de part et d'autre
pour que ces agapes soient inoubliables.

Bien entendu, si les ambassadeurs de France doivent promouvoir les produits
de leur pays, il en est de même des ambassadeurs des autres pays. De les
promouvoir ou de les défendre : je me souviens qu'en pleine crise de la
vache folle, mon collègue britannique à Dakar recevait par la valise
diplomatique de pleins quartiers de viande de boeuf, avec consigne d'en
servir lors de tous ses dîners.

Par ailleurs, les ambassadeurs ne doivent pas se préoccuper uniquement de ce
qu'eux-mêmes et leurs invités trouvent de succulent et d'abondant sur leur
table. Ils ne doivent pas oublier qu'ils sont souvent affectés dans des pays
qui connaissent des problèmes alimentaires, de la malnutrition, voire de
sévères famines. L'aide alimentaire est devenue l'un des modes d'intervention de certaines institutions internationales (Programme alimentaire mondial, Fonds européen de développement, Haut commissariat pour les Réfugiés, UNICEF, etcS), de beaucoup d'ONG et de certains pays; l'Union
européenne a un important programme d'aide alimentaire (farine, lait en
poudre, etcS); la Chine, de son côté, donne volontiers du riz, et les
États-Unis ont un important programme appelé Loi 480 (ou "Food for Peace"),
signée en 1954 par Eisenhower, qui a permis en 50 ans de distribuer dans le
monde plus de cent millions de tonnes de produits alimentaires. C'était là
un programme avec lequel l'Union soviétique ne pouvait pas rivaliser.
Cette aide était parfois assortie de pressions politiques. Ainsi, vers le
milieu des années 60, Indira Gandhi fut reçue à Washington par le président
Lindon Johnson et ce dernier lui fit comprendre que l'aide alimentaire
américaine à l'Inde serait réduite, voire supprimée, si Delhi continuait à
critiquer la guerre du Vietnam; dès son retour à Delhi, Indira Gandhi
convoqua les meilleures équipes d'agronomes indiens et leur enjoignit de
rendre le pays autosuffisant; ce qu'ils firent, en l'espace de peu d'années,
grâce notamment au professeur d'agronomie Swaminathan, qui réussit cette
spectaculaire Révolution Verte.
On connaît aussi la maxime de Mao Tsé Toung : "Au lieu de donner un poisson
à manger à un pauvre qui a faim, apprends lui plutôt à pêcher". C'est
pourquoi il existe de plus en plus de programmes de coopération et de
formation dans le domaine de l'agriculture, de l'élevage, de la pêche, de la
recherche agronomique Beaucoup de mets, de produits et de mots dans le domaine alimentaire nous sont venus ou nous viennent des conquêtes, des invasions, des guerres, des grandes découvertes, de la colonisation, de la décolonisation, des
migrations, de la mondialisation. On connaît la vogue des épices, du poivre
notamment, qui entraîna de véritables expéditions lointaines. Le café, le
thé, le tabac (Nicot), la vanille, la pomme de terre (Parmentier), la
mandarine, en sont quelques exemples, de même que le couscous, devenu chez
nous un plat national depuis le retour des pieds noirs et l'immigration
nord-africaine. Dans mes postes diplomatiques, j'ai entendu parler de
civilisation de la choucroute, du goulasch, du spaghetti, du méchoui, du
curry

L'étymologie du nom d'une volaille à elle seule démontre une mondialisation
avant la lettre : dinde en français, turkey en anglais, peru en portugais,
hindi en turcS Beaucoup d'appellations nous viennent de l'arabe : abricot,
amande, alcool (eh oui !), artichaut, aubergine, caramel, couscous, cumin,
curcuma, moka, orange, safran, sirop, sorbet, parfois en passant par le
persan ou le turc. Sans même parler du croissant, sans doute inspiré par les
turcs, pourtant bloqués dans leur avancée devant Vienne (ville dont le nom
inspira les viennoiseries !).

Il y a également bien des mots d'origine grecque (châtaigne, huître, menthe,
cerise, céleri), italienne (frangipane, macaron, mortadelle, rémoulade),
indienne d'Amérique (ananas, maïs, cacao, patate, tapioca, tomate) ou même
anglaise (beefsteak, roast-beef, sandwich). Quant au mot barbecue, il aurait
une dizaine d'origines possibles !

Les interdits religieux, rituels et traditionnels sont bien connus, et on
doit bien entendu respecter ces règles dans les ambassades, par exemple en
évitant la viande de boeuf en Inde, celle de porc dans les pays musulmans ou
en Israël, en organisant un buffet végétarien à côté d'un buffet français
traditionnel, en évitant de servir de l'alcool à des musulmans. Je me
rappelle qu'à une éminente personnalité indienne (et de religion hindoue),
Mme Pupul Jayakar, on servit au ministère de la culture un repas comportant
de la tête de veau, celle-ci apportée tout entière sur la table (on était
pourtant en préparation de l'Année de l'Inde en France !).

La nourriture est devenue également un symbole politique : les Anglais se
moquent parfois des Français en les appelant des "froggies" (mangeurs de
cuisses de grenouilles), qui rétorquent en les traitant de roast-beef (et
les Italiens de macaronis).
Et les Américains ont manifesté leur désaccord
avec la France en interdisant pour un temps (après la prise de position
contre la guerre en Irak de Dominique de Villepin au Conseil de sécurité en
mars 2003) l'appellation de "French fries" pour les frites (qui représentent
un quart de la consommation des pommes de terre aux Etats-Unis).

Je me suis trouvé à New York au début des années 70, quand les Américains pensaient
punir le général de Gaulle (après la sortie de l'OTAN, le discours de Phnom
Penh, le voyage au Mexique et la "mano en la mano", le "Vive le Québec
libre", etc) en instaurant un boycott des restaurants et des produits
français, en vidant dans les rues les vins français (je pense qu'il ne
s'agissait jamais de grands crus), et en organisant des "anti de Gaulle
sales" ("soldes anti de Gaulle"). Ce dernier ne dédaignait pas les images
gastronomiques en affirmant qu'il était difficile de gouverner un pays comme
la France, qui produisait plus de 240 variétés de fromages. Évidemment, de
Gaulle ne reprend pas la formule iconoclaste de Salvador Dali, pour lequel,
paraphrasant Saint Augustin, "Jésus est une montagne de fromages."

Les romans qui tournent autour de la vie diplomatique sont, eux aussi,
pleins de descriptions de repas plus ou moins réussis : Roger Peyrefitte
critique avec acrimonie dans "Les Ambassades" les dîners de l'ambassadeur de
France en Grèce, écrivant notamment que la même carapace de homard ­ qu'il
reconnaissait à son ¦il unique et déformé ­ servait plusieurs fois de suite
emplie de simple chair de poisson. Ma petite fille Marie Naudascher a rédigé
pour la Sorbonne (Université Paris IV) un excellent mémoire sur "Les repas
dans l'oeuvre d'Albert Cohen", et j'ai été subjugué par la richesse de ce
qu'elle avait trouvé sur ce sujet dans "Belle du Seigneur" ou dans
"Mangeclous". Les diplomates apparaissent également lors de réceptions dans
une série de films, je pense notamment à "Madame de", et bien d'autres.

Des écrivains, des diplomates, des musiciens, des ecclésiastiques, ont
également laissé leur trace dans la gastronomie, en donnant leur nom à
certaines préparations ou en donnant des recettes : le filet Chateaubriand
ou la sauce du même, le tournedos Rossini, le carré de porc Soubise, les
abricots à la Condé, les boudins à la Richelieu, la blanquette de poularde à
la Talleyrand, les 300 recettes de "Zola à table" (par Courtine), les poires
du prédicateur jésuite Bourdaloue, le "vin blanc cassis" du chanoine Félix
Kir de Dijon, l'écrivain mexicain Fernando del Paso (auteur de "Douceur et
passion de la cuisine mexicaine : 151 recettes et 46 menus"), l'auteur de
pièces de théâtre cubain en exil Eduardo Machado "Tastes Like Cuba : An
Exile's Hunger for home" (Cela a un goût de Cuba : un exilé a faim de son
foyer)S Bernard Pivot a écrit un "Dictionnaire amoureux du vin". En dehors
même des ¦uvres littéraires où la gastronomie tient une place, les livres de
recettes sont eux-mêmes très nombreux en France : 1.309 nouveaux titres en
2006, soit près de huit millions d'exemplaires vendus.

Quant à gastronomie et cinéma, je pense qu'entre "La grande bouffe" et le tout récent "Ratatouille", nous avons été servis

Mon collègue Philippe Faure, qui a été ambassadeur au Mexique, au Maroc et
maintenant au Japon après avoir été secrétaire général du Quai d'Orsay, a
pendant de longues années dirigé le Guide Gault et Millau. Le Japon, où il
est désormais en poste, s'enorgueillit d'avoir été en 2007 vedette d'un
nouveau Guide Michelin, qui a fait de Tokyo la ville la plus "étoilée" du
monde avec 150 restaurants totalisant 191 étoiles, dont 8 Trois étoiles;
mais certains chefs japonais contestent le classement, affirmant qu' "une
bande d'étrangers" ne peut se permettre de comprendre et d'évaluer la
cuisine japonaise. A titre indicatif, Tokyo compte au total 160.000
restaurants, contre 25.000 à New York et 13.000 à Paris; en 2008, Michelin a
distribué 94 étoiles à Paris, dont 9 Trois étoiles, et 54 étoiles à New
York, dont 3 Trois étoiles. Quant à moi, j'avais en 1969 participé aux côtés
de Mme Bettencourt et de Louis de Guiringaud (alors ambassadeur de France au
Japon) à l'inauguration du premier restaurant français de la capitale
japonaise, un Prunier. Le Guide Michelin compte 21 éditions à travers le
monde.

J'ai bien entendu joué de mon mieux mon rôle d'ambassadeur de France lors de
l'arrivée annuelle, grâce à Air France, du beaujolais nouveau (je l'ai fait
en Inde et en Autriche). Quant au champagne, il est presque inutile d'en
faire la promotion : "Le Monde" du 26 décembre 2007 fait sa "Une" en
couverture en titrant : "La demande mondiale de champagne explose", avec
près de 400 millions de bouteilles vendues en 2007. La vogue du cognac
(beaucoup imité à l'étranger) et de l'armagnac est également très grande :
pour le cognac, ce sont 158 millions de bouteilles en 2007, dont 95% vendues
à l'étranger, notamment en Asie (mais les Français eux-mêmes en boivent
moins (- 23% en 2007), préférant le whisky, dont ils consomment autant de
bouteilles qu'il se vend de bouteilles de cognac à l'étranger (analyse du
"Monde", 24/25 février 2008). Et cette même année 2007, les exportations de
vins et spiritueux français ont atteint le niveau record de 9,34 milliards
d'euros (soit plus du tiers du montant du contrat exceptionnel remporté par
EADS pour la fourniture de 179 Airbus ravitailleurs à l'armée de l'air
américaine), ce qui en fait le premier excédent commercial régulier derrière
l'automobile. Quant au foie gras français, en dépit de la concurrence
étrangère et de certains boycotts (les États-Unis imposent depuis 1999 une
taxe de 100% en représailles de l'embargo sur le b¦uf américain dans l'Union
européenne, et certains restaurants n'en présentent plus, en raison de la
campagne contre le gavage; le prince Charles a banni le foie gras de sa
table et les magasins de luxe Harvey-Nichols n'en vendent plus), les
exportations ont atteint en 2007 111 millions d'euros, en hausse de 17% sur
2006, et même les États Unis ont doublé leurs importations, celles de la
Grande-Bretagne progressent, et l'Espagne, la Belgique, le Japon et la
Suisse sont nos meilleurs clients.

En Inde également, j'ai organisé une dégustation de fromages (et de
vins) afin de faciliter la conclusion d'une "joint venture" pour un produit,
le fromage, pratiquement inconnu à l'époque dans ce pays, en dépit d'un
troupeau de 300 millions de vaches sacrées; en effet, la vie de celles-ci,
et plus généralement des bovidés, est sacrée, on ne les tue pas, on
n'utilise ni leur viande, ni leur peau, on les laisse vagabonder en liberté,
mais on peut les faire travailler : elles tractent des charges, des
carrioles ou des engins agricoles; leur bouse séchée est utilisée comme
matériau de construction pour revêtir des murs de fermes ou de granges; leur
urine sert comme base de médicaments, ou même de boisson; leur lait est à la
base d'une industrie laitière très bien organisée, produisant du lait, du
yaourt, de la crème, mais pas de fromage fermenté. J'avais invité évidemment
tous mes collègues, les autorités indiennes, la municipalité, les
représentants de l'agriculture et des industries agricoles, les hôteliers et
restaurateurs, les professeurs et élèves des écoles hôtelières, plusieurs
milliers de personnes en tout. J'avais choisi cinq fromages français, pas
trop fermentés, un camembert, un reblochon, un brie, un chèvre frais et un
Caprice des Dieux (je n'avais quand même pas choisi de "Vache qui rît", pour
ne paraître provocateur). Comme je m'y attendais un peu, c'est ce dernier
qui remporta une majorité de suffrages, et une coproduction commença entre
une firme indienne, le groupe Bongrain, et la coopérative Union Laitière
Normande; je suis retourné il y a quelques mois en Inde, et j'ai constaté
que ce fromage y était toujours populaire. Petite précision : sur 150
variétés de fromages ou produits laitiers européens bénéficiant du label
d'appellation d'origine protégée, 45 sont français.

D'ailleurs, l'Union Laitière Normande me rappelle un souvenir du temps où
j'étais le chef de cabinet d'André Bettencourt, ministre originaire de
Normandie. C'était à la fin des années 60; n'ayant pu le faire lui-même,
André Bettencourt m'avait demandé d'accompagner le général Gnassingbé
Eyadéma, qui venait d'accéder à la présidence du Togo, et qui, au cours de
son premier voyage officiel en France, avait voulu visiter une laiterie afin
de signer peut-être un accord de coopération dans la production laitière.
L'Union Laitière Normande nous accueillit donc dans l'une de ses
installations, et nous visitâmes des étables où l'on élevait et trayait des
vaches, des beurreries, des fromageries. A la fin de la visite, une vaste
dégustation de produits laitiers était organisée dans la cour; Eyadéma pris
en mains une énorme coupe pleine de yaourt frais et se mit à en manger
goulûment avec une grande cuillère; autour de lui s'était assemblée une
petite foule de journalistes, de photographes et de reporters de télévision,
qui se mirent rapidement à rythmer la dégustation en scandant de plus en
plus vite et de plus en plus fort : "Une cuillère pour papa, une cuillère
pour maman", petit jeu auquel Eyadéma se prêta avec empressement.
Bien que retraité, je continue à faire de la promotion. Par exemple j'amène
régulièrement avec moi aux États Unis plusieurs paquets de l'exceptionnel
Coulommiers "Belle France" fabriqué par la fromagerie de Vire et que vend le
sympathique épicier du Viveco de Gennes, près de ma maison sur les bords de
Loire, en Anjou, qui me l'a fait découvrir.

De 1967 à 1972, j'ai été le chef de cabinet d'André Bettencourt, qui vient
de disparaître et qui a été ministre sous de Gaulle et sous Pompidou (aux
PTT, à l'industrie, au plan et à l'aménagement du territoire, aux affaires
étrangères, et par intérim aux affaires culturelles). Il m'a une fois envoyé
pour le représenter à une réunion de la chambre de commerce franco-suédoise;
le voyage se terminait par une visite au delà du cercle polaire, à Bergen,
qui se trouve en fait en Norvège; au menu, on nous a servi un steak de
baleine; et ensuite, on nous a amenés à un endroit de la rive où l'on
dépeçait des baleines; des hommes bottés, casqués et vêtus de caoutchouc
découpaient avec des genres de machettes l'épaisse peau des cétacés, d'où
giclait le sang; la chair était mise de côté, et de gros morceaux de graisse
jaunâtre étaient jetés dans des marmites géantes où un liquide nauséabond
cuisait à gros bouillons; on nous a dit que ce produit était utilisé par
l'industrie cosmétique; les bas morceaux étaient conditionnés pour les
boites de nourriture pour chiens et chats; le tout dans une odeur
épouvantable; du coup, le steak de baleine a eu du mal à passer !

Avec André Bettencourt, j'ai sillonné la France, et je l'ai aussi accompagné dans
plusieurs voyages à l'étranger. J'ai déjà parlé du Cambodge et du Japon,
mais nous sommes allés aussi au Guatemala (où j'ai mangé une omelette aux
champignons hallucinogènes - mais sans aucun effet sur moi), et dans bien
d'autres pays du monde. Nous avons notamment séjourné en République
populaire de Chine pendant trois semaines en juillet 1970, pour la première
visite officielle d'un ministre français depuis la reconnaissance de Pékin
par Paris en 1964). C'était en pleine Révolution culturelle et il y avait
des gardes rouges et des petits livres rouges partout. Nous avons eu un long
entretien avec Mao Tsé Toung. Excusez moi pour ce souvenir un peu crû, un
simple détail, mais il a un rapport avec le (bon ou mauvais) goût : Mao Tsé
Toung était un fumeur à la chaîne; et toutes les quelques minutes, il
crachait une sorte de liqueur noirâtre dans un vase posé au pied de son
fauteuil; la première fois, madame André Bettencourt, qui était assise sur
le fauteuil juste à côté, a été surprise, sans doute choquée, et a dû
craindre aussi pour la belle robe longue qu'elle portait; mais ensuite,
ayant compris que Mao se raclait plusieurs fois la gorge avant de cracher,
elle prévoyait le moment fatal et se recroquevillait sur son fauteuil, un
peu comme une chenille, pour s'éloigner du vase, que Mao atteignait pourtant
avec une grande précision !

Et puis le 14 juillet, Chou en Lai est venu déjeuner à l'ambassade de
France. J'étais assis à sa gauche et nous nous entretenions, en partie en
français, car le Premier ministre avait passé plusieurs années en France
comme étudiant après la première guerre (il habita Montargis et près de la
porte d'Italie à Paris). Et puis, à la chinoise, il me servit à partir des
plats qui se trouvaient sur un plateau rotatif au milieu de la table.

Parmi les spécialités, il y avait des tranches de holothuries, parfois appelées
concombres de mer, des espèces de mollusques gélatineux gris-noirs, au corps
couvert de verrues hérissées de poils; j'en avais déjà goûté précédemment et
trouvé cela épouvantable comme goût et comme aspect. Aussi, désireux de me
concentrer sur les autres mets délicieux qu'il avait amoncelés sur mon
assiette, et fidèle à l'un de mes principes qui est de me débarrasser par
priorité des choses désagréables, je commençai à engloutir sans la mâcher ma
petite portion d'holothuries. Ce que voyant Chou en Lai m'en resservit une
énorme cuillerée en me disant : "Ah, je vois que vous aimez ça !".

Lorsque je fus porte-parole du secrétaire général de l'ONU de 1972 à 1975
(c'était pendant le premier mandat de l'Autrichien Kurt Waldheim),
j'accompagnai ce dernier pendant tous ses voyages, avec une grande variété
d'expériences gustatives. Au siège new yorkais de l'ONU, le restaurant des
délégués proposait en permanence un plat français, les spécialités d'un
autre pays membre, ainsi que de la cuisine internationale.

Actuellement, les choses ont changé; le mois dernier, j'ai rendu visite à la jeune femme,
indienne d'origine, Sue Irukulla, qui dirige avec une grande efficacité et
beaucoup de charme pour le compte du traiteur Aramark l'ensemble des
services de restauration de l'ONU (soit plus de 7.000 repas servis chaque
jour, tant dans le restaurant des délégués que dans le Staff Café et les
deux cafétérias du personnel). Elle m'a expliqué comment satisfaire le goût
et les pratiques alimentaires de cette clientèle très variée, comment tenir
compte des interdits (alcool, porc, b¦uf, végétariens) et des prescriptions
médicales (régimes). De plus, les pays membres font appel à elle pour
organiser des journées ou des semaines gastronomiques nationales, avec le
concours de chefs et à l'aide de produits venus de ces pays.
Au cours de mes déplacements avec Waldheim, quelques repas me reviennent en
mémoire. Un magnifique déjeuner avec le roi Hassan II du Maroc sous une
tente somptueuse dressée en plein Atlas, avec des plats marocains délicats
servis dans de la vaisselle luxueuse. Un autre repas servi à Nouakchott sous
une tente un peu plus simple par le président Ould Daddah (dans son livre de
souvenirs, Waldheim, encore peu familiarisé avec l'Afrique, avait écrit :
"La Mauritanie était si pauvre que le président fut obligé de me recevoir
sous une grande tente", ce que je modifiai dans la traduction qu'il me
demanda par "La Mauritanie était un pays pauvre, mais fidèle à la grande
tradition saharienne, le président tint à me recevoir sous une tente
majestueuse"). Un dîner de gala organisé par le président Senghor à Dakar,
avec des musiciens en tenue (française) du XVIIIème siècle jouant des airs
baroques et des valses viennoises en l'honneur de l'hôte originaire de
Vienne.

Je me rappelle aussi un déjeuner organisé à Jérusalem, en août 1973,
quelques semaines avant la guerre du Kippour, dans la résidence personnelle
de Golda Meïr, Premier ministre, qui avait accueilli Waldheim en ces termes
: "Nous ne vous accueillons pas en tant que secrétaire général de l'ONU,
institution qui nous cause bien des difficultés, mais en tant qu'Autrichien,
et pour cela, je me suis levé tôt ce matin pour cuisiner en votre honneur
des plats et des pâtisseries d'Europe centrale, qui vous rappelleront comme
à moi notre enfance". Et nous avons effectivement dégusté des spécialités
autrichiennes et galiciennes, en compagnie de Moshe Dayan, d'Igal Allon,
d'Aba Ebban et d'autres ministres israéliens; cet épisode laisse rêveur
quand on songe à la campagne menée une dizaine d'années plus tard, notamment
par le Congrès juif mondial, contre Waldheim lorsqu'il fut candidat à la
présidence autrichienne, l'accusant d'avoir servi comme officier dans
l'armée nazie - il aurait été plus exact de dire allemande puisque, après
l'Anschluss, il n'y avait plus d'armée autrichienne - et d'avoir participé à
des massacres de résistants en Yougoslavie et de juifs en Grèce; il est peu
probable que les services secrets israélien, grec et yougoslave ne l'aient
pas su lorsqu'il était à l'ONU, et n'en aient pas informé leurs dirigeants,
en particulier Tito.

Et puis je me souviens de ce délicieux méchoui à Alger, le président
Boumediene détachant lui-même à la main des côtes du mouton rôti mais en
nous aspergeant du même coup de graisse brûlante, nous obligeant à nous
contorsionner ensuite dans le petit avion qui nous amenait à Rabat pour
changer de vêtements.

Autre souvenir de mon époque onusienne : avec le secrétaire général, nous
visitions la Force d'urgence des Nations unies dont plusieurs contingents
venus de divers pays étaient stationnés dans le désert du Sinaï; le
commandant de l'unité indonésienne nous fit part de l'amertume de ses
Casques bleus, lorsque Waldheim lui posa la question rituelle : "La soupe
est bonne ?" "Non, répondit l'officier, car mes compatriotes (ils étaient
plusieurs centaines de soldats indonésiens) sont habitués à manger des plats
épicés d'une certaine manière, et nos cuistots ne disposent que de quantités
insuffisantes." "Qu'à cela ne tienne, répliqua Waldheim; il n'y a qu'à
envoyer un avion de l'ONU en Indonésie pour s'approvisionner." Il fut
stupéfait de s'entendre dire qu'il faudrait alors envoyer un avion chaque
mois, tant les quantités d'épices souhaitées étaient énormes. Je raconte
cette anecdote parce que je viens de lire que les unités sud-coréennes
stationnées hors du pays (par exemple en Afghanistan) exigeaient d'avoir
toujours avec leurs repas du Kimchi (une sorte de chou fermenté), et que le
président Johnson avait à l'époque déjà été saisi de ce problème par le
président coréen Park lorsque des troupes de la Corée du Sud combattaient au
Vietnam aux côtés des Américains.

Je fus ambassadeur en Guinée-Conakry, de 1975 à 1979, sous le régime de
Sékou Touré; un dernier procès pour cannibalisme (interdit par la loi depuis
des années) venait d'y avoir lieu - cannibalisme par tradition tribale, et
non pas alimentaire. J'y découvris diverses spécialités : le fonio, une
délicieuse graminée qui pousse dans le massif du Fouta Djalon, et dont les
racines profondes appauvrissent le sol; Sékou Touré menait pour cette raison
campagne contre la culture du fonio, mais en servait à sa propre table,
reconnaissant que les femmes, au lieu de le manger tel quel (cela se cuit
comme le couscous), l'appréciaient mais, au détriment de leur ligne,
l'arrosaient de sauce à l'arachide ou de sauce feuille, toutes deux très
grasses.

A sa table, d'une grande simplicité (les verres étaient de simples Duralex;
des couverts de l'inox), on avait souvent, outre le fonio et de l'excellent
riz de montagne, du très bon poisson, des salades vertes toutes simples et
des fruits (ananas, bananes et mangues, mais aussi des fraises cultivées en
altitude); et lorsque Sékou Touré trouvait que je m'étais pas assez servi,
il prenait avec sa main dans sa propre assiette et m' "augmentait", comme on
dit en Guinée. Lors de mon premier repas avec lui, alors que plusieurs
ministres ironisaient sur l'incapacité des Toubabs (les blancs) à manger
très épicé, il me tendit un énorme piment rouge (pili-pili, dit-on là bas)
en me mettant à l'épreuve; j'avalai le piment en évitant de le mâcher, mais
j'eus quand même immédiatement l'estomac et la gorge en feu, les yeux embués
de larmes; je réussis pourtant à sourire et à poursuivre la conversation,
les ministres durent remiser leur scepticisme, Sékou Touré disant sa
satisfaction de m'avoir vu triompher de cette épreuve, sans doute un peu
symbolique à ses yeux. Mais il fut un jour étonné de me voir revenir avec
une chemise rituelle d'initié de la mare de Baro, en Haute Guinée, où a lieu
chaque année avant que ne commence la saison des pluies, une sorte de pêche
miraculeuse, des milliers de villageois d'alentour venant dans la mare
presque asséchée prendre d'énormes poissons enfouis dans la vase; cette
pêche, tenue dans une ambiance festive, se poursuit par des cérémonies
rituelles dans la forêt sacrée voisine, où ont lieu des rites d'initiation
(j'en fus l'objet) cependant que commencent à griller une partie des
poissons pêchés le matin.

Et puis, je me souviens d'une visite dans la ville de Mamou, où les
Soviétiques venaient d'installer un nouvel abattoir; je fus obligé
d'assister à l'abattage sanglant d'une malheureuse petite vache amenée tout
exprès; je fus incapable de manger de la viande pendant plusieurs jours. Et
à propos de vaches, les Soviétiques, encore eux, avaient décidé de croiser
des bovins amenés de Russie avec des bovidés de la race Ndama (espèce de
petite taille, mais bien adaptée aux conditions tropicales, et surtout
tripano-résistantes, c'est à dire résistantes à la maladie du sommeil),
surtout afin d'accroître la production laitière; on croisa donc quelques
taureaux Ndama avec des génisses de la race Krassnaia Steppnaia, amenées par
avion d'Union soviétique; le résultat ne fut pas celui que l'on attendait :
génisses sibériennes et jeunes vaches métisses ne donnèrent pas les vingt ou
trente litres de lait quotidien espérés, mais guère plus que les trois ou
quatre litres qu'avaient toujours produits les vaches Ndama : la chaleur et
la transpiration en étaient la cause; l'expérience fut abandonnée après
quelques années. Autre produit alimentaire venu d'Union soviétique, les
boîtes de lait condensé, sans doute destinées à être distribuées
gratuitement à des crèches ou des hôpitaux, mais qui se retrouvaient
mystérieusement en vente sur le marché local : des étiquettes colorées
montraient de beaux bébés blonds et joufflus, avec l'inscription (en
français) : "lait excellent conseillé pour les nourrissons et les
touristes."

L'un de mes souvenirs les plus charmants : alors que j'étais en visite
officielle à Télimélé, petite ville du Fouta Djalon, je profitai d'une pause
dans le programme pour me promener dans les collines alentour; de loin, je
vis sur la piste une silhouette féminine qui progressait dans ma direction,
portant un lourd fardeau sur la tête; lorsqu'elle arriva à ma hauteur, la
très belle jeune Peule s'arrêta, posa à terre la charge qu'elle portait,
s'agenouilla devant moi, enleva le bouchon sommaire qui obstruait l'orifice
du récipient, le pencha doucement, recueillit dans sa paume un peu de lait
caillé qu'elle mélangea avec du miel, et me tendit sa main; j'avalai cette
gorgée, bien entendu; ce devait être du miel frais récolté dans l'une des
nombreuses ruches de simple paille pendues aux branches des arbres de la
région; il était délicieux; elle était délicieuse; elle replaça le bouchon,
se releva, hissa avec peine le pot pesant, le cala sur sa tête et reprit sa
marche sans se retourner; nous n'avions pas échangé une parole, simplement
un regard et des sourires.

Le 14 juillet était de nouveau célébré en Guinée depuis mon arrivée,
après une quinzaine d'années de rupture entre la France gaulliste et Sékou
Touré pour raison de "non" au référendum constitutionnel de septembre 1958;
c'est moi qui avais négocié la normalisation des relations diplomatiques,
assortie de la libération d'une quarantaine de prisonniers français,
allemands, libanais, etcS détenus depuis des années dans d'effroyables
conditions; et cette normalisation avait eu lieu le 14 juillet 1975, date
symbolique choisie par Sékou Touré en hommage à la Révolution. J'organisais
en général mes réceptions de la fête nationale (où il y avait plusieurs
milliers d'invités) dans le hall de l'imprimerie Patrice Lumumba; une fois,
j'avais demandé à l'orchestre féminin de la gendarmerie nationale d'animer
la soirée dansante; cette douzaine de dames, chargées dans la journée de
régler la circulation (souvent en moto), avaient formé un excellent
orchestre africain appelé "Les Amazones de Guinée". Je leur avais demandé
quelle devait être leur rémunération pour cette prestation et elle m'avait
souhaité du Ricard; j'en avais fait mettre une caisse derrière la scène.
Quelle ne fut pas ma surprise de constater que vers minuit, toutes les
bouteilles avaient été consommées par les musiciennes S sans ajouter d'eau.
Inutile de dire que l'ambiance avait été bonne !

Et puisque l'année 2008 est l'année du 50ème anniversaire de
l'indépendance de la Guinée, je ne résiste pas au plaisir de citer une autre
anecdote advenue à une délégation guinéenne venue en septembre 1959 dans la
capitale chinoise sceller l'établissement de relations diplomatiques entre
Conakry et Pékin (la Guinée ayant été le premier pays africain à reconnaître
la République populaire de Chine). A l'issue du premier dîner officiel, à
l'heure des toasts, le ministre guinéen conclut son allocution en levant son
verre et en disant "à la française" : "Tchin Tchin"; le ministre chinois,
croyant à une charmante coutume africaine, termine alors son propre toast en
disant : "Guinée Guinée."
C'est aussi dans les îles de Los en face de Conakry qu'à la fin de la
guerre, une voyageuse et photographe un peu excentrique, Anita Conti,
démarra un élevage de requins, destinés à fournir une huile de foie censée
être souveraine pour rendre la vigueur et la santé aux petits Français mal
nourris sous l'Occupation.

Après quelques années parisiennes, je fus pour un temps Commissaire général
des Années France-Brésil, ambitieux projet de relance des relations
franco-brésiliennes dans les domaines politique, économique, commercial,
culturel, sportif, etcS Et j'ai récemment retrouvé la préface que j'ai alors
rédigée pour un livre de "250 recettes de cuisine brésilienne." !
Puis je fus ambassadeur en Inde, de 1987 à 1991. Inutile de dire que lors
des réceptions, déjeuners ou dîners à l'ambassade, il fallait veiller avec
soin à ce que les végétariens (très nombreux en Inde, surtout pour la viande
- et pas seulement la vache ou le b¦uf -, mais parfois pour le poisson,
quelquefois les ¦ufs ou même le miel, produit animal) aient un buffet séparé
ou des places à table clairement identifiées afin que les serveurs ne se
trompent pas. Il y avait en revanche moins de problème pour le vin, sauf
bien entendu pour les Musulmans, la consommation du vin et du champagne
s'étant beaucoup développée à partir de ces années-là, en particulier dans
les classes moyennes. D'ailleurs, l'Inde s'est mise à produire des vins (et
de la bière) tout à fait convenables, ainsi qu'une variété de champagne,
produite en coopération avec Taittinger, et appelée Omar Khayyam. Et puis,
les services culturels de l'ambassade avaient organisé à Bénarès, une
exposition architecturale, la première exposition étrangère jamais tenue
dans cette ville sainte sur le Gange, le fleuve sacré. J'étais venu de Delhi
en voiture, amenant avec moi du champagne, du vin, et du camembert. J'avais
laissé ce dernier à la cuisine de l'hôtel, en leur demandant de le servir
vers la fin de la réception offerte à quelques centaines d'invités. Quelle
ne fut pas ma stupéfaction de voir arriver une dizaine de serveurs,
apportant sur des plateaux des coupes de glace à la vanille, surmontées
chacune d'un petit quartier de camembert ! Mais les invités indiens
trouvèrent cela excellent !
Actuellement, un homme d'affaires indien, Vijay Mallia, plusieurs fois
milliardaire en dollars, PDG de United Breweries qui produit l'excellente
bière Kingfisher (c'est aussi le nom de la prospère et luxueuse compagnie
aérienne qu'il a créée en 2005), a racheté il y a deux ans, faute de pouvoir
acquérir les champagnes Taittinger, le très bon vignoble de Saumur
Bouvet-Ladubay.
J'ai aussi rencontré une remarquable Indienne, originaire de l'Assam, dans
le Nord montagneux du pays, qui a beaucoup fait pour faire connaître dans le
monde les saveurs et spécialités indiennes; et a obtenu pour cela plusieurs
distinctions; elle s'appelle Purobi Babbar, elle a participé à nombre
d'émissions et a écrit des livres comme "Rotis and Naans of India" et
"Amantran", ainsi que des ouvrages sur les influences réciproques des
cuisines indienne et chinoise.
J'ai un autre souvenir de l'Inde, qui n'est pas directement culinaire, mais
vous allez voir. J'étais allé à Mysore, dans le Sud de l'Inde, réputée
notamment pour sa production de soie. J'ai visité une magnanerie, immense,
surchauffée, où l'on élevait les vers à soie en les nourrissant avec des
feuilles des mûriers qui poussent dans la région. Et bien, j'ai encore
aujourd'hui à l'oreille le bruit inquiétant, continu, sourd et humide de
mastication que font des millions de vers à soie qui mâchouillent en même
temps des tonnes de feuilles de mûriers.

De 1991 à 1996, j'ai été ambassadeur en Autriche. Évidemment beaucoup
d'activités , de visites officielles, de réceptions, de conférences, de
festivités, tant à Vienne que dans les régions. L'ambassade est installée
dans un superbe bâtiment d'inspiration Jugendstil, construit juste avant la
première guerre mondiale par l'architecte Chedanne, fort bien meublé et
décoré. Il y a une salle à manger de forme hexagonale, avec d'admirables
peintures et médaillons, et de très beaux salons. Bref, il était facile d'y
faire honneur à la gastronomie française, et je n'ai pas d'anecdote
spécifique à raconter. Une seule, mais qui s'est passée chez mon collègue
italien. Il avait invité quelques collègues et amis en l'honneur de Luciano
Pavarotti, qui chantait ce soir-là à la Staatsoper. Le ténor est arrivé
après la représentation, encore en tenue de scène, et s'est immédiatement
installé à l'une des tables, où je me trouvais moi aussi; nous avions déjà
commencé le dîner en l'attendant. On lui a servi pour commencer deux énormes
assiettées de spaghettis. Et puis sont arrivés des poulets rôtis. Pavarotti
s'est adressé à moi, je ne sais pourquoi, et m'a dit (en excellent français)
: "Excellence, me permettez-vous de manger ce poulet avec les doigts ? Quand
j'étais petit garçon, à Modène, dans ma famille, on faisait comme ça, et je
ne lui trouverais aucun goût si je le mangeais avec une fourchette et un
couteau." Bien entendu, j'acquiesçai à sa demande, et dégustai moi aussi le
poulet avec les doigts, comme l'ensemble de la tablée, d'ailleurs.

Ma dernière ambassade avant la retraite, ce fut le Sénégal, associé à la Gambie. Le Sénégal, merveilleux pays de la Teranga, cet accueil chaleureux et amical, avec des plats succulents comme le thiéboudienne, composé de poisson (généralement du thiof), de légumes variés et de riz, le poulet (ou
la viande ou le poisson) yassa, marinés dans une sauce aux oignons, citrons
verts et épices, accompagné de riz ou de fonio, ou encore le kaldou, plat
d'origine casamançaise, poisson préparé avec de l'huile de palme, des
légumes et du riz accompagné d'une sauce aux citrons verts.

Et je vais terminer cet exposé sur un récit historique où l'alimentation a
joué un rôle important, mais mortel. Il s'agit de la Casamance, région tout
à fait au Sud du Sénégal, conquise à l'origine par les Portugais, qui la
cédèrent aux Français à la fin du XIXème siècle. Mais les populations
locales, tribus surtout forestières, résistèrent longtemps aux troupes
françaises. Finalement, celles-ci parvinrent à capturer le roi d'une de ces
tribus, les Floups, et l'enfermèrent dans une cellule avec d'autres
prisonniers. Ce que les Français ne savaient pas, c'est que les rois de
Casamance (il y en a plusieurs) n'ont absolument pas le droit de manger en
présence d'autres personnes. Le roi des Floups se laissa donc mourir
d'inanition. Un administrateur français nommé Maclaud, féru de recherche
scientifique, envoya la dépouille du roi défunt au Muséum d'Histoire
naturelle de Paris, où elle fut conservée, puis façonnée pour n'en garder
que le squelette, soigneusement étiqueté et fixé sur une armature de fer.
J'étais déjà allé plusieurs fois en Casamance, ma négociation à propos de la
Guinée y était connue, comme elle l'était aussi à Dakar. J'avais notamment
pu rencontrer le chef du mouvement séparatiste casamançais, l'abbé
Diamacoune, lequel inspirait une rébellion indépendantiste qui avait connu
un regain d'activité dans les années 80; par suite des escarmouches entre
unités rebelles et armée sénégalaise, et aussi du fait des mines, il y avait
eu beaucoup de morts et de blessés, beaucoup d'arrestations, et quatre
touristes français avaient disparu. Ayant lu le rapport que j'avais établi
sur ma visite en Casamance et sur mon entretien avec l'abbé Diamacoune, le
président Abdou Diouf m'avait demandé si j'accepterais une mission de
"facilitateur", afin de permettre au gouvernement sénégalais et aux
dirigeants des séparatistes d'entamer un dialogue et peut-être de parvenir à
une solution pacifique. Paris, réticent au début, avait fini par accepter.
Pendant plus de trois ans, j'ai consacré beaucoup de temps à cette mission,
allant jusqu'à discuter avec des chefs de maquis après des heures de pistes
truffées de mines, etcS
L'une de mes actions a consisté à convoyer à Paris quatre lieutenants de
l'abbé Diamacoune, afin qu'ils rencontrent des représentants de l'aile
extérieure du mouvement, pour parvenir à une position commune. Lors de ce
séjour parisien, les quatre Casamançais avaient demandé à voir le squelette
du Roi des Floups. J'obtins l'autorisation du directeur du Muséum d'histoire
naturelle, le professeur Henry de Lumley, qui fit remonter des caves du
Palais du Trocadéro, où il se trouvait confiné depuis un siècle, le
squelette en question. Les quatre Casamançais, que j'accompagnais, étaient
très impressionnés, de même d'ailleurs qu'une arrière petite-fille de ce
Roi, qui faisait alors des études à Paris. J'espérais, au cours d'une
prochaine étape, pouvoir faire rapatrier discrètement (en avion militaire)
le squelette en Casamance, où ce geste aurait grandement contribué au
processus de pacification, permis le choix d'un nouveau roi, et également
lancé la remise en culture des rizières royales , en jachère depuis la mort
de l'ancien roi. Malheureusement, M. de Lumley me fit une réponse
catégorique, sans doute justifiée sur le plan réglementaire, mais qui
coupait court à mes espoirs : tout ce qui est déposé dans les archives de
l'État français ne peut être cédé, à moins d'une loi. Même s'il s'agit du
squelette d'un roi mort pour s'être privé de nourriture par suite de
l'ignorance de ses geôliers. Je ne cessai pas pour autant mes efforts de
facilitation, qui aboutirent, quelques jours avant mon départ définitif du
Sénégal, par une rencontre, la première, entre le président Abdou Diouf et
l'Abbé Diamacoune, et l'amorce d'un début de négociations. Mais je quittai
le Sénégal, Abdou Diouf a été remplacé par un nouveau président qui avait
d'autres idées sur le processus de paix, et l'abbé Diamacoune est mort au
début de 2007. Le squelette du roi des Floups se trouve toujours dans les
caves du Trocadéro. Et la suite sera une autre histoire.


PS. A côté de ce texte savoureux, André LEWIN, acteur multiple autant que polygraphe , a également produit de remarquables synthèses sur la vie diplomatique, la coopération outre-mer , l'ONU etc...
On en retrouvera certains en faisant une recherche avec Google dans le site GEOSCOPIE.

vendredi 15 février 2008

TRADE – INTERNATIONAL RELATIONS

Sidney Weintraub

Issues in International Political Economy - The Power of Special Interests in the United States

Center for Strategic and International Studies – Newsletter - Number 97 - January 2008 – 2 pages

http://www.csis.org/media/csis/pubs/issues200801.pdf

“A “special interest” as used in this paper could be a single person or a relatively small group of people who seek to influence public policy decisions to obtain a larger share of economic benefits or political influence than they otherwise would have. By definition, this must come at the expense of the rest of society. Mancur Olson, who wrote much on the economic aspects of this theme about two decades ago, pointed out that it is always difficult and sometimes impossible for the average citizen to monitor what is taking place until it becomes a fait accompli. This paper discusses the fact that the adverse consequences of special-interest actions are now more substantial than in the past. U.S income inequality has increased during the past four decades, and special interests contributed to this outcome.”


Lael Brainard Candidate Issue Index: Trade

The Brookings Institution – Opportunity 2008 – January 17, 2008 – 5 pages

http://www.brookings.edu/~/media/Files/rc/papers/2008/0117_trade_brainard_Opp08/IssueIndex_trade20080117.pdf

Compiled by Brookings Institution experts, this chart is part of a series of issue indices to be published during the 2008 Presidential election cycle. The policy issues included in this series were chosen by Brookings staff and represent the most critical topics facing America’s next President.”

Robert Z. Lawrence

Blue-Collar Blues: Is Trade to Blame for Rising US Income Inequality?

Peterson Institute for International Economics – Book – January 2008 – 144 pages

http://bookstore.petersoninstitute.org/book-store/4143.html

“International trade accounts for only a small share of growing income inequality and labor-market displacement in the United States. Lawrence deconstructs the gap in real blue-collar wages and labor productivity growth between 1981 and 2006 and estimates how much higher these wages might have been had income growth been distributed proportionately and how much of the gap is due to measurement and technical factors about which little can be done.”

Howard Rosen Strengthening Trade Adjustment Assistance

Peterson Institute – Policy Brief – January 2008 – 11 pages

http://www.petersoninstitute.org/publications/pb/pb08-2.pdf

The US economy is currently facing significant pressures from intensified domestic and international competition. There is no “magic bullet” to deal with the pressures from globalization. More worker training alone will not be sufficient to address the large adjustment burden placed on workers and their families. A comprehensive set of integrated efforts is necessary to help the economy adjust to the enormous pressures from globalization. These efforts should not be handouts, but rather targeted, yet flexible assistance aimed at raising productivity and enhancing US competitiveness.


Loren Yager

Export Promotion: Export-Import Bank Has Met Target for Small Business Financing Share

US Government Accountability Office - GAO-08-419T - January 17, 2008 – 17 pages

http://www.gao.gov/cgi-bin/getrpt?GAO-08-419T

“The Export-Import Bank (Ex-Im) provides loans, loan guarantees, and insurance to support U.S. exports. Its level of support for small business has been a long-standing issue of congressional interest. In 2002, Congress increased the proportion of financing Ex-Im must make available for small business to 20 percent. In 2006, Congress directed Ex-Im to make organizational changes related to small business and to better evaluate its small business efforts. This report discusses (1) trends in Ex-Im’s small business financing since fiscal year 2000 and (2) the weaknesses GAO found in the tracking and reporting of Ex-Im’s small business financing and the steps Ex-Im has taken to address them.”

Shayerah Ilias & Ian Fergusson

Intellectual Property Rights and International Trade

Library of Congress - Congressional Research Service (CRS) - December 20, 2007 – 52 pages

http://assets.opencrs.com/rpts/RL34292_20071220.pdf

“This report provides background on intellectual property rights (IPR) and discusses the role of U.S. international trade policy in enhancing IPR protection and enforcement abroad. IPR are legal rights granted by governments to encourage innovation and creative output by ensuring that creators reap the benefits of their inventions or works and they may take the form of patents, trade secrets, copyrights, trademarks, or geographical indications. U.S. industries that rely on IPR contribute significantly to U.S. economic growth, employment, and trade with other countries. Counterfeiting and piracy in other countries may result in the loss of billions of dollars of revenue for U.S. firms as well as the loss of jobs.”

Economic Sanctions: Agencies Face Competing Priorities in Enforcing the U.S. Embargo on Cuba

U.S. General Accountability Office (GAO) - GAO-08-80 - December 18, 2007 – 96 pages

http://www.gao.gov/new.items/d0880.pdf

“In 2001, the Department of Treasury’s Office of Foreign Assets Control (OFAC) and the Department of Commerce’s Bureau of Industry and Security (BIS) loosened embargo restrictions on some trade with Cuba. In 2004, however, OFAC tightened rules on travel, cash transfers, and gift parcels to Cuba. BIS, on the other hand, processed twice as many export license applications to Cuba in 2006 than in 2001. GAO was asked to examine rule changes and their impact on U.S. exports, travel, cash transfers, and gift parcels from 2001 to 2005.”

U.S. Clothing Imports from Vietnam: Trade Policies and Performance

US Congress Library - Congressional Research Service - RL34262 - November 27, 2007 – 40 pages http://assets.opencrs.com/rpts/RL34262_20071127.pdf

“U.S. clothing imports from Vietnam grew from nothing in 2000 to $3.2 billion in 2006. Vietnam is now the fifth largest source of clothing imports to the U.S. Much of this trade is due to liberal U.S. trade policies with Vietnam, but these policies have raised concerns about possible dumping by Vietnamese clothing exporters. This report looks at the Department of Commerce’s monitoring program and antidumping actions Congress could take.”

Wing Thye Woo and Geng Xiao

Disputes: China’s Post-WTO Blues

The Brookings Institution – Report - November 2007 – 32 pages

http://www.brookings.edu/~/media/Files/rc/papers/2007/11_trade_woo/11_trade_woo.pdf

“In present-day political and policy discussions in Washington, widespread concern is shared over the large and growing U.S.-China trade deficit… More specifically, at the very base of these concerns lies the view that the large trade deficit has reduced U.S. welfare by increasing unemployment and reducing wages. Yet is this an accurate representation of the affect of current trade patterns with China on the U.S. economy? In order to determine the answer, in this paper we examine some of the economic issues associated with the large overall U.S. trade deficit (which, in 2006, was three and a half times larger than the bilateral U.S.-China trade deficit), and some of policy options in reducing U.S.-China economic tensions by posing and answering four critical questions.”

AID – DEVELOPMENT

Mauro De Lorenzo & Apoorva Shah

Entrepreneurial Philanthropy in the Developing World: A New Face for America, a Challenge to Foreign Aid

American Enterprise Institute - Development Policy Outlook - December 12, 2007

http://www.aei.org/publications/pubID.27220/pub_detail.asp

“Philanthropy is usually considered a form of humanitarianism not a driver of economic growth. This paper examines the “entrepreneurial philanthropists” who provide credit and business education to small-scale entrepreneurs, mentor and finance small- and medium-sized enterprises (SMEs), offer advice to governments to improve competitiveness, and devise ways to get a “return on investment” in philanthropic projects.”